Dès le début de la deuxième soirée du festival Brassens « J’ai rendez-vous avec vous » de Saint Gély du Fesc, « la porte s’ouvre vers d’autres chanteurs » : nous allons faire un tour du côté de chez Juliette Gréco (qui chantait ou plutôt illuminait les chansons des autres) puis, de Pierre Louki. Les deux musiciens (Grégory Veux au piano et Dominique Cravic à la guitare) précèdent Claire Elzière sur scène et le tour de chant commence avec une ritournelle de Lucienne Delyle : « Sur les quais du Vieux Paris » (Paroles : Louis Poterat /Musique : Ralph Erwin (1939)), qui accroche tout de suite le public et l’invite à se promener dans la capitale. Les clichés sont bien présents : la Seine, les bouquinistes, l’amour.
« Les vieux ponts nous connaissent / Témoin des folles promesses »
Cette balade est aussi celle que nous propose Claire Elzière à travers les chansons du patrimoine : « Accordéon » (Serge Gainsbourg), « Jolie Môme » (Léo Ferré), « Si tu t’imagines » (poème de Raymond Queneau mis en musique par Joseph Kosma), « Un petit poisson, un petit oiseau » (Jean-Max Rivière / Gérald Bourgeois). Sa voix est éclatante, elle est gaie, pétillante, souriante. Elle ouvre les bras vers le public qu’elle entraîne avec elle dans un rythme virevoltant. Claire chante d’un ton mutin, coquin… Elle prend ses chansons à bras le corps, elle les vit et en même temps, les fait revivre. Elle les aime et ça se voit, ça s’entend ! On est bien à Paris et on y reste ! Claire Elzière nous raconte qu’elle a récemment fait une tournée au Japon pour présenter ces chansons où la capitale française est un personnage à elle seule : les Japonais ont adoré. « Sous le ciel de Paris » (Jean Dréjac / Hubert Giraud), « Il n’y a plus d’après » (Guy Béart), les titres se poursuivent… Et il est toujours question de Juliette, avec un vibrant hommage à la muse de Saint Germain des Prés, intitulé « N’oubliez pas Greco » (paroles d’Emmanuel Guibert, arrangements de Grégory Veux). Cette chanson, Claire Elzière l’interprète à deux voix avec Grégory Veux et l’agrémente même d’un refrain en japonais. La première partie se termine ainsi sur une belle note d’émotion.


Débute ensuite l’hommage à Pierre Louki. La transition est toute trouvée : Ce dernier « avait une très grande admiration pour Juliette Greco. Il se disait souvent : « Mais quand va-t-elle chanter mes chansons ? » ». Claire interprète « L’arbre mort » (P. Louki / Colette Mansard) puis « Le cœur à l’automne » (P. Louki / G.Brassens). Les textes sont savoureux et permettent aux oreilles profanes de découvrir cet auteur compositeur qui n’a peut-être pas eu la renommée qu’il méritait. Mention spéciale à l’écriture ciselée de « Charlotte ou Sarah » (Louki / Brassens) qui coupe les mots au milieu des syllabes et produit ainsi des rimes insolites et coquines.
« Je n’sais pas /Si je dois baiser Charlotte/Ou embras / Ser Sarah (…) / Je n’sais pas /Si Charlotte sans culotte / Est mieux qu’Sa / Rah sans bras »
Une autre chanson attire aussi l’attention : « La pendule de mon grand-père » : histoire d’une horloge qui se détraque et marche à l’envers. L’aïeul de la chanson finit par être une sorte de « Benjamin Button » avant l’heure (référence que les cinéphiles comprendront) : « Quand, le lundi, grand-père disait / « Venez me voir demain » / On arrivait chez lui, c’était dimanche / Et c’était bien » … Claire Elzière remporte haut la main ce marathon de mots. Elle connait tout par cœur. Elle a la pêche, elle chante, elle bouge, elle nous entraîne. C’est une vraie meneuse de revue. La collaboration avec ses deux musiciens est impeccable. Grégory Veux (piano) et Dominique Cravic (guitare) déroulent leur partition avec talent, ils sont bien présents et à la fois, savent mettre leur chanteuse en valeur pour qu’elle puisse tout donner. Claire termine son tour de chant avec un titre intitulé « Conversations » qui joue sur les sonorités du préfixe «con» pour en faire une satire humoristique et poétique, typique du style de Louki. A la fin, elle sort un verre pour trinquer avec nous, comme dans la chanson ! : « Et s’il est incon / cevable de con / voquer tant de con / vives, à la vôtre ! / Ensemble trinquons / Nul de nous n’est con / cerné / Les vrais cons / sont toujours les autres !! ».
Petits liens en plus:
— Une autre version de « Charlotte ou Sarah » à découvrir : celle de Jacques Muñoz (vous découvrirez à ses côtés un personnage que nous connaissons bien ; )
— Pour en savoir plus sur la collaboration entre Greco et Brassens, un article tiré de l’excellent blog de Sébastien Lesné :
https://parlesroutesduprintemps.blogspot.com/2014/04/juliette-greco-et-le-tnp.html




