);
Aller au contenu

Brassens grand cru, à St Gély du Fesc

La soirée du samedi a commencé par un moment très émouvant : une chorale d’enfants a interprété deux titres de GB : tout d’abord, « le parapluie » (trois jeunes filles, dont une très jeune  et touchante) et ensuite, « Si seulement elle était jolie » interprété par une jeune Anna.  

Les jeunes filles ont été accompagnées à la guitare par Willy qui s’est acquitté de cette tâche avec beaucoup de délicatesse. C’était touchant de les voir sur scène : Willy attentif à « ses » chanteuses,  et ces jeunes filles appliquées, respectant le rythme et les paroles de  ces chansons  qui n’étaient pas de leur époque mais qui, dans leur bouche, acquerraient une modernité et une nouveauté insoupçonnées. C’était un vrai plaisir de voir et ressentir cette jeunesse reprenant le flambeau brassénien dans une salle qui, il faut bien le concéder, était plutôt composée de têtes grises ou blanches, voire argentées.

Après le changement de plateau, le concert en lui-même a commencé. La scène était remplie et on ne savait pas où donner du regard car ils étaient douze sur scène, en bons apôtres de l’évangile brassénien : Philippe Lafon, Pierre Chérèze et Willy (du Pierre et Willy quartet), Andrea Belli et Franco Pietropaoli, Marie d’EpizonPierre Bernon d’Ambrosio, Carollina Chaves Ribeiro, Jo Labita, Jean Lannelongue, Geoffroy Hadjadj. et Benoît Marot. Le début de leur concert  a été très envoutant : des claquements de doigts, une ambiance très swing, très jazzy (on se croirait dans un cabaret new yorkais), et les paroles de « Je m’suis fait tout p’tit » qui résonnent (belle voix grave de Pierre Chérèze), accompagnées seulement par une contrebasse très sobre. La chanson se poursuit. Le deuxième couplet est interprété par Andrea Belli qui se fait « aider » de l’accordéon. Petit à petit, les voix le rejoignent et d’individuel, le chant devient collectif. L’ambiance s’installe. Après les deux voix masculines, celle de Marie d’Epizon prend le relais.. Elle donne le « la », s’impose en se permettant des petits changements de mélodie qui embellissent l’ensemble. Le refrain est repris par tous les chanteurs. Et c’est Carollina qui se charge du dernier couplet : après l’accent italien d’Andrea, nous voici au Brésil et Brassens après avoir été jazzman, devient universel.

Voici la séquence du début du concert : https://youtu.be/-lWwtVSWOiM

La chanson se termine par un tonitruant « Bonsoir Saint Gély » et une présentation de Pierre Bernon qui parle tout de suite du « bonheur d’être réunis tous ensemble, d’un moment exceptionnel voire magique ». Et l’on entend en fond sonore le rire de Willy. Le ton est donné et la soirée commence.

Après cette première chanson, Carollina et Pierre interprètent « L’orage » : un couplet chacun, le dernier couplet ensemble, la fin dans une ambiance très manouche. Le public apprécie et applaudit chaleureusement.

Pierre Bernon d’Ambrosio , Saint Gely du Fesc, 2021, crédit photo Sebastien CHOLIER

Pour les chansons suivantes, ce sont Pierre et Willy ; et Franco et Andrea qui s’en chargent. : « Embrasse-les tous (Baciali tutti) » alla moda italiana (on se croirait à Naples avec la mandoline et la voix d’Andrea). Ensuite, « La chansonnette à celle qui reste pucelle » (interprétée par Andrea et Marie) distille une belle dose de mélancolie et la voix de Marie, très pure, résonne. Tout le monde ressent bien qu’elle chante avec son âme.

Carollina Chaves Ribeiro , Saint Gely du Fesc, 2021, crédit photo Sebastien CHOLIER
Franco Pietropaoli , Saint Gely du Fesc, 2021, crédit photo Sebastien CHOLIER

Philippe Lafon prend ensuite le relais de la présentation. Les titres s’enchaînent : « Les amoureux des bancs publics » (l’accompagnement à l’accordéon de Jo Labita donne à la chanson une tonalité de bal musette) ; « Mourir pour des idées » dont l’arrangement de Pierre et Willy s’inspire de celui du groupe Subway. Cette précision est d’ailleurs apportée par Pierre et Willy eux-mêmes qui rendent à César….. Alors, là, il FAUT faire un arrêt sur images car il s’agit, pour moi, d’un morceau mythique. J’avais déjà vu la vidéo de 2015 lorsque cette chanson avait été interprétée le lendemain des attentats du Bataclan dans une ambiance incroyable (https://youtu.be/u-axt4F-I6o).  Je savais que s’ils la chantaient, ce serait le point d’orgue du spectacle. Eh bien, ne mâchons pas nos mots : ça a été LE moment le plus fort de toute la soirée : le solo de guitare de Philippe Lafon, la voix de Pierre Chérèze, ce crescendo continu pendant toute la chanson, qui s’arrête  et qui reprend… jusqu’au couplet final : « la mort, la mort, la mort toujours recommencée » et une pensée pour ce jour de 2015 où la décision a été prise de poursuivre le spectacle et de maintenir le concert au lendemain des événements que nous connaissons tous. En ce soir de novembre 2021, le public a pris ça en pleine poire et ceux qui ne connaissaient pas cette version ont été « scotchés ». Certains autres n’ont pu retenir leur émotion. Et après ça ? Après cette émotion à l’état pur ? Après ça il a bien fallu redescendre. Et heureusement, heureusement qu’ils ont enchaîné avec un titre très doux : « La non demande en mariage » interprété par Carollina, qui avec son accent brésilien et sa douceur, a permis de passer à autre chose. Ensuite, cela a été « La Marine » qui nous a fait embarquer vers d’autres contrées musicales.

Philippe Lafon , Saint Gely du Fesc, 2021, crédit photo Sebastien CHOLIER

Un petit tour d’horizon (on continue sur la métaphore du voyage) des titres chantés ensuite. Pour « Les oiseaux de passage », l’introduction à la guitare de Pierre Bernon est un hommage à Manitas de Plata.  C’est l’occasion pour Pierre de nous raconter une anecdote : Manitas et Brassens, quoi que tous les deux natifs de Sète, ne se croisaient pour ainsi dire, jamais. Un jour pourtant, leurs chemins se rencontrèrent et Manitas dit à Brassens : «  tu ne chantes pas bien, tu ne joues pas bien, mais tu es connu. C’est ça que l’on doit appeler un poète ». Brassens, même disparu, est toujours un poète, personne n’en doute. Pierre Bernon, lui, est un virtuose de la guitare et Marie d’Epizon, qui a interprété, la chanson au sens littéral du terme puisqu’elle l’a mimée,  Marie qui a distillé beaucoup d’émotion a tout d’une grande dame de la chanson.

William Errecart , Saint Gely du Fesc, 2021, crédit photo Sebastien CHOLIER

Sur le titre « La Tramontane », Willy laisse tomber sa guitare et c’est la première fois qu’on le voit chanter seul sans instrument. Il s’en sort très bien, précisons-le ; )

Benoît Marot , Saint Gely du Fesc, 2021, crédit photo Sebastien CHOLIER

« La Complainte » (mention spéciale à la très belle intro de Benoît Marot à la contrebasse)  est interprétée par Carollina et Marie, les deux muses de la soirée. Les voix féminines font merveille : elles donnent l’impression d’être solidaires avec les « filles de joie ». Le réalisme de la chanson est contrebalancé par l’ambiance très jazzy, très « blues ». Le public est conquis, conscient de vivre un moment rare et intense. Cette intensité se poursuit avec «  Saturne »  interprété par Marie et Andrea qui restent dans l’émotion pure avec cette ode à la femme qui prend de l’âge mais qui reste belle.

Vers la fin du concert, l’ambiance redevient plus légère avec « P.. de toi » puis, avec « Le  gorille » version reggae que Marie d’Epizon s’approprie avec brio. Pierre et Willy nous ainsi donne un avant goût de leur album qui va bientôt sortir et je sais que certains l’attendent impatiemment depuis TRES longtemps.

Pour les derniers titres, le public entendra « La mala reputación » dont le refrain sera chanté en chœur, tambour battant ; ensuite, évidemment (puisqu’il donne son nom au festival) : « J’ai rendez-vous avec vous ; et enfin, à la fin, l’incontournable « Les copains d’abord » !  Après plusieurs rappels, les douze artistes reviennent sur scène pour une dernière chanson et surprise, ils chantent du Montand (dont c’est aussi le centenaire et aussi le 30ème anniversaire de sa disparition). Le titre ? « Les feuilles mortes », bien sûr. J’ai l’impression que c’est pour moi qu’il a été choisi. C’est mon préféré.

Le mot de la fin, après cette longue description ? C’est difficile de conclure après cette soirée (et ces trois jours) très riches en musique, mais aussi en émotion. Ce que je peux dire, c’est que le fait de réunir les douze artistes qui ont marqué les 9 festivals de Saint Gély était une très bonne idée. Leur association a été très réussie.  Et leur réunion a été un cercle vertueux. Au lieu de se faire de l’ombre, au contraire, ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes et incité les autres à faire pareil !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *