Chroniques de Saint Gély 2022

Justine

Après les Façonneurs, la soirée s’est poursuivie avec le récital de Justine Jérémie. Ayant déjà écrit sur notre belle accordéoniste, je ne dirais que quelques mots de la soirée. Une fois encore, j’ai pu constater que Justine mérite amplement le qualificatif de chansonnière : elle vit ses chansons, elle raconte des histoires, elle y croit et en même temps, elle nous transporte dans ce qu’elle raconte. Les titres phares de la soirée ? « La Grande Jaja » de Patrick Font, déjà entendue à l’Atrium du Fontanil en septembre ; « Il fait beau » de Jacques Grello, titre récemment rajouté à son tour de chant et qui semble fait pour elle ; « Tu fais soleil » compo que j’aime particulièrement puisqu’elle parle de quelqu’un qui illumine et embellit votre vie ; « La fenêtre » : la lettre d’une maman qui voit son enfant s’envoler « d’un coup d’aile » mais qui « sera toujours là » quand son enfant « aura un peu froid ».

Justine a donné un très bon concert, heureuse d’être là malgré une journée éprouvante (levée tôt le matin pour ne pas rater son TGV à Paris-Gare de Lyon malgré une grève de la RATP) et le public ravi ne lui a pas ménagé ses applaudissements. A la fin, elle a invité Les Façonneurs à la rejoindre sur scène et ensemble ils ont salué le public. C’était vraiment une très belle soirée !

Liens :

Justine Jérémie (« Il fait beau »)

Sa chaîne You Tube : https://www.youtube.com/@justinejeremie/videos

Duo Alyane

Le vendredi, nous avons tout d’abord écouté le duo Alyane, composé d’Alain Aouat et d’Aline Rouyre qui nous ont donné un récital piano/voix plaisant et rafraîchissant autour de titres de Brassens, Mouloudji, Cora Vaucaire, Boby Lapointe, Bourvil, Brel….

Aline Rouyre (duo Alyane) , St Gély du Fesc, 2022, crédit photo Sebastien CHOLIER

Leur chaîne YouTube : https://www.youtube.com/@leduoalyane1749/videos

Yves Uzureau

C’était la troisième fois que je voyais Yves Uzureau en concert et je savais que le tour de chant allait être à la hauteur des attentes. Cela a été le cas : un récital mené tambour battant par un interprète-guitariste très en forme et deux musiciens hors pair (Anne Gouraud à la contrebasse et Pierre Debiesme à la guitare) qui le secondent efficacement sans, pour autant, être à l’arrière-plan de la scène.

Uzureau est un chanteur mais également un comédien et possède un vrai talent de conteur. Sur son « Gorille », il raconte une histoire en privilégiant les phases parlées et c’est comme si on y était. Son interprétation n’est qu’un long crescendo vers un final « tranchant » : la chanson se termine avec le son glaçant du couperet de la guillotine et les lumières qui s’éteignent. Cette gravité est contrebalancée par la « légèreté » des cris de primate poussés par Anne qui parcourt la scène. Comme le dit Yves en préambule (non sans humour), cette chanson est la « seule qui permette de pousser le cri de la bête qui, paraît-il, sommeille en chacun et en chacune de nous ». Ce talent de comédien, Uzureau en use également sur « Hécatombe » : il mime à la perfection les « grands coups de mamelle » que les « gaillardes » donnent aux « gendarmes mal inspirés ».

Anne Gouraud , St Gély du Fesc, 2022, crédit photo Sebastien CHOLIER

Pierre Debiesme , St Gély du Fesc, 2022, crédit photo Sebastien CHOLIER

Outre ces moments « théâtraux », j’ai aimé aussi l’interprétation blues et langoureuse du « Fossoyeur » : en l’écoutant, j’avais vraiment l’impression de me trouver en Louisiane dans les champs de coton avec les esclaves. Du blues, il y en avait également dans « Gastilbeza » : mention spéciale au chœur d’Anne et à l’excellent jeu de guitare de Pierre.

Yves Uzureau a également expliqué au public la longue genèse de ses deux albums composés des titres de jeunesse du poète, composés à Basdorf pendant le STO, enregistrés par René Iskin sur une cassette que René lui donnera trente-trois ans plus tard. De ces titres, je retiendrais « A l’auberge du Bon Dieu » où la contrebasse très douce de Anne Gouraud illustre cette « histoire des fiancées qui n’attendent pas leur promis parti au front ».

Les compositions de l’artiste n’ont pas été oubliées (« Aïe, qué dolor » / « Am Stram Gram »). Le récital-marathon se termine au bout de deux heures trente sans aucune interruption. A la fin, les trois artistes quittent la scène tandis que retentit la voix de Georges. Le public, ravi et debout, applaudit longuement et quitte la salle non sans se faire dédicacer un album d’Yves Uzureau au stand d’ADSA.

Liens :

Yves Uzureau (Gastibelza)

Sa chaîne You Tube : https://www.youtube.com/@yvesuzureau879/videos

Grand Cru

La Soirée Grand Cru, formule initiée l’an passé avait eu un grand succès et elle a donc été reconduite en 2022. L’idée ? Proposer à des artistes de jouer et de chanter ensemble sur scène. Ils ont relevé le défi. ; certains ne se connaissaient même pas quelques heures auparavant.

Sur scène, ils sont donc presque une dizaine. Voici le détail, de gauche à droite : Rodrigue Fernandes (accordéon) / René Jacquot (guitare) / Denis Ruelland (guitare, chant) / Manu Hernandez (guitare) / Marie d’Epizon (chant) / Pierre Bernon d’Ambrosio (guitare, chant) / Carollina Chaves Ribeiro (chant, percu) / Philippe Lafon (guitare, dobro) / Benoît Marot (contrebasse, hélicon)

Un petit tour d’horizon de ce récital collectif : une interprétation de « Philistins » avec une entrée progressive des voix masculines (Manu / Denis), féminines (Carollina / Marie), et un accompagnement au début très doux puis de plus en plus marqué.

Marie d’Epizon , St Gély du Fesc, 2022, crédit photo Sebastien CHOLIER

Pierre Bernon d’Ambrosio , St Gély du Fesc, 2022, crédit photo Sebastien CHOLIER

« A l’ombre du cœur de ma mie » commence par une intro très réussie, tour à tour rapide puis lente, de Pierre Bernon d’Ambrosio qui s’éloigne de la mélodie originelle (« mais, de quelle chanson s’agit-il ? » se demande le public ?) pour mieux y revenir (« mais, oui, bien sûr ! »). C’est Denis qui chante ensuite, d’une voix claire et belle accompagné par Marie d’Epizon. Leurs timbres s’accordent bien et cette belle harmonie est en accord avec le contenu romantique et sentimental de la chanson. L’émotion ressentie est très forte.

Les musiciens « s’éclatent » à jouer ensemble, mais cela n’empêche pas d’entendre de très beaux solos : celui de René Jacquot à la guitare sur « Si seulement, elle était jolie », suivi d’un super intermède à l’accordéon de Rodrigue. Avec « Le bulletin de santé » interprété par Manu, l’accompagnement à l’accordéon est particulièrement réussi : on se croirait au bal musette et ça donne envie de valser.

Denis Ruelland et Manu Hernandez , St Gély du Fesc, 2022, crédit photo Sebastien CHOLIER

Pour en finir avec ce panorama musical, le clou du spectacle est, pour moi, l’interprétation des « Oiseaux de Passage » par Pierre Bernon qui au lieu de chanter, scande, slame les paroles. Je pense un peu à Grand Corps Malade. En raison de l’arrière-plan musical, je pense surtout, surtout, aux compos de Gotan Project, ce trio qui a remis le tango au goût du jour dans les années 2000. Le mélange est surprenant. C’est un moment très fort. Ce n’est plus vraiment du Brassens, ce n’est pas tout à fait du tango, c’est autre chose. La chanson est un lent crescendo. Le public est suspendu aux lèvres de Pierre. Le poème de Jean Richepin est entendu dans toute sa dimension : sociale et revendicatrice. C’est une vraie réussite. Je suis scotchée et j’ai du mal à « redescendre » une fois le morceau fini.

Difficile de conclure après tout cela. Je dirais seulement qu’avec ce Grand Cru 2022 le pari de l’année précédente a été renouvelé. Comme pour le bon vin, les ingrédients ont été bien dosés et le mélange a « pris ». Le public a adhéré à cette interprétation collective et chorale. Les interprètes se sont fait plaisir en chantant et en ont donné aux spectateurs. Que demander de plus ?

Liens :

“La maman des Poissons” (Carollina Chaves Ribeiro)